S
ea. La mer, l'océan. Je porte ce second prénom depuis ma naissance. Jamais il ne m'a quitté. Il fait partie intégrante de moi, bien que ma vie est radicalement changée. Je suis une sirène. Fille de l'océan, de l'écume. Certains considèrent que nous sommes les pires créatures au monde. Croqueuse d'homme littéralement, nous sommes souvent mal vues. Mais qu'importe aujourd'hui, personne ne sait plus qui je suis réellement au fond de moi. Cet être que j'étais à ma naissance, je me dois de le cacher au quotidien à présent. Laissez moi donc vous expliquer comment tout cela s'est produit.
Vingt huit ans auparavant, j'ai vu le jour. Sous l'océan donc. Dans l'écume des vagues. Une petite tête blonde issue des bas fond. Ma mère est morte lors de ma venue au monde, quand à mon père... Il n'a jamais été particulièrement présent. Il s'est contenté de me confier le plus fréquemment possible à une nourrice. Je n'ai donc jamais été très entourée, ce qui a longtemps forgé ma solitude. J'étais renfermée très peu ouverte aux autres. Lorsqu'il avait fallut se mêler aux autres, j'avais cette tendance à ne parler à personne, ou à balancer des pics, à devenir exécrable pour ne pas qu'il m'approche. Non pas que jamais ma solitude, loin de là. Je n'aimais simplement pas être entouré de personnes stupides et insignifiantes. J'étais bien supérieure à eux, je le savais au fond de moi, je l'avais toujours su. Alors pas question de leur accorder la moindre intention.
J'ai donc grandi donc la plus grande solitude. Amicalement parlant. Les filles ne m'appréciaient pas particulièrement. J'étais bien entendu trop jolie à leur yeux, et elles me jalousaient beaucoup. Je le voyais bien. Quand aux hommes, la plupart se retournaient régulièrement sur mes écailles. Mon physique avantageux m'avait toujours accordé des regards in descendants parfois lourds, mais qui m'amusaient généralement plus qu'autre chose.
J'ai donc grandi sous l'eau, m'amusant le plus souvent, restant insouciante chaque jours de ma vie. Je vivais au jour le jour sans me préoccuper de ce qui m'arriverait par la suite. Je m'en fichais à vrai dire, je savais que mon avenir se trouvait dans l'océan et j'étais pleine de confiance en la vie. Quelle naïveté n'est ce pas ? Aujourd'hui quand j'y repense, je réalise à quel point j'ai pu être stupide. Je pensais que l'océan, the sea, me protégerait de tout, mais j'avais eu tord. C'était sans compter sur la magie.
Il y a déjà quelques années de cela, j'avais pointé mon visage hors de l'eau, une fois de plus afin de voir passer quelques navires marchand et d'en profiter pour attirer quelques hommes au fond de l'océan. Mais pour une fois autre chose que les corps d’Apollon des hommes m'avait attiré. Une lumière étincelante dans le ciel, qui s'était longuement reflétée dans le bleu de l'océan. Elle m'avait hypnotisé, fasciné. Et puis elle s'était éteinte comme toute les autres étoiles lorsque le jour s'était levé. Je n'ai pas immédiatement compris l'impact qu'aurait cette banale étoile. Ma vie n'a pas réellement changé pendant les mois qui ont suivis, mais un soir de tempête les choses ont changés. Autant la mer peut être calme et paisible, autant elle peut se déchaîner et très vite devenir dangereuse. Cette nuit là, la tempête a fait rage à tel point que nager à travers le courant a été très compliqué. C'était très risqué de s'aventurer loin des villages mais insouciante et trop confiante j'ai décidé de partir de m'éloigner. Pour la simple et bonne raison que je savais que c'était toujours lors des plus grosses tempêtes, que les plus gros navires chavirent.
Malheureusement pour moi, le courant a été trop fort, et malgré mes capacités en natation, j'ai été emporté. Une chose en entraînant j'ai par la suite percutée un rocher et perdu connaissance. Combien de temps je suis restée inconsciente ? Je n'en ai absolument aucune idée. Mais lorsque je me suis réveillée j'avais échoué sur la plage. J'ai paniqué de me retrouver loin de l'eau, mais les choses ne sont certainement pas arrangées lorsque j'ai constaté que j'avais des jambes. Oui des jambes. Ces machins longs et fragiles sur lesquels les hommes évolués. Complétement perturbée, paniqué et apeurées, je me suis simplement effondrée en larme. C'était sans doute l'une des premières fois de ma vie que je sentais ces petites perles salées rouler sur mes joues. Resserrant mes jambes contre ma poitrine j'ai alors pleuré pendant de longues. Je croyais avoir tout perdu. Si je ne pouvais plus parcourir les océans voyager au gré de mes envies alors qu'est ce que j'allais bien pouvoir faire ? Je n'étais pas une humaine, je ne saurai pas l'être. Alors je suis simplement restée là sur la plage à attendre. Je ne savais pas ce que j'attendais mais je n'ai pas bougé.
Lorsque le soleil s'est couché, des hommes sont aussi arrivés sur la plage. Je ne les avais jamais vu. Ils portaient des vêtements qui me laissait penser qu'ils étaient riches. Ils se sont approchés de moi, prétendant vouloir m'aider. Je n'ai pas dit un mot, pas prononcé une seule parole malgré leur question. Ils ont alors voulu m'emmener et c'est à ce moment là que j'ai ouvert la bouche pour leur dire de me laisser tranquille, de ne pas me toucher. Et alors que c'était moi qui croquais les hommes par le passé, cette fois ci, c'est moi qui me suit trouvé frappé par les humains. Ils m'ont battus jusqu'à ce que je sois suffisamment faible pour qu'ils puissent m'emmener avec eux. C'est ainsi que je suis arrivée à Telmar. Cette vile m'a au début fascinée par sa beauté. Moi qui n'avait jamais été intéressée par les objets humains, je me retrouvais face à une étendue de produits qui me fascinaient.
Conduite au château de Telmar, j'ai vite été utilisée comme servante. Servir les autres, je devais SERVIR les autres. Cette simple pensée me dégoute mais on m'avait bien fait comprendre que si je voulais restée en vie, je n'avais d'autre choix que d'obéir. Alors je suis restée discrète, j'ai joué les idiotes sans jamais dire à qui que ce soit qu'elle avait été ma véritable nature. J'ai fait croire que le navire sur lequel j'avais voyagé avait fait naufrage tout simplement. Et j'ai ainsi pu rester à Telmar au service des Miraz. La vie là bas était différente de tous ce que j'avais connu, mais au moins j'étais bien traitée, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
Après quelques années passées à Telmar, j'ai croisé le chemin d'un homme Calormen de passage. Très ami avec le Roi Miraz, il lui a alors demandé si je pouvais l'accompagner dans son pays en gage d'une alliance quelconque dans je foutais bien. Sans même avoir le choix, je me suis alors vu arrachée à cette nouvelle vie à laquelle je commençais doucement à m'habituer. J'ai du prendre le peu de mes affaires pour partir loin de tous ce que j'avais connu. Pour Calormen. Le voyage fut long et fastidieux et les regards de mon nouveau « maitre » sur moi ne me plaisait guère. Il ne m'avait pas voulu pour mes services mais pour mon corps. Il me l'a très vite fait comprendre et il se l'est très vite approprié. Contre ma volonté. Je suis devenue sa putain, sa catin. Une fille sans honneur, sans dignité, sans âme. Jour après jour enfermée dans une cage dorée, je suis devenue la femme qu'il venait trouver pour satisfaire ses désirs quel qu’ils soient. Il arrivait même parfois que je sois battue à mort pour son simple plaisir. Ici, je n'étais plus servante, j'étais esclave. Esclave de ce bourreau mais pas seulement. Puisque je ne le servait pas régulièrement, il a décidé que je pouvais lui être encore plus rentable. Il allait me partager avec d'autres. C'est ainsi que j'ai intégré ce qu'on appelle un bordel. Inutile de vous faire un dessin n'est ce pas... Je met mon corps au service des hommes qui en disposent de la façon dont ils le souhaitent. Je suis esclave des Calormens. Sans écailles, sans queue de sirènes, je n'ai plus rien, je ne suis plus rien. Pourtant une flamme continue de bruler en moi. Celle de la vengeance. Contre ceux qui m'ont réduite à rien qu'un objet, contre celui qui a fait en sorte que j'ai des hommes, contre ces hommes qui réduisent en esclavage toutes ces personnes dans ce pays, je me battrais. Je les tuerais. Je le sais l'océan reviendra vers moi et alors je serai plus forte. Les vagues de me rage déferleront et emporteront tout sur leur passage. Je vaincrai, je tuerai, je vengerai.