Je m'étais endormie ,étrangement,cette nuit-là.J'y étais enfin parvenue,après de longues nuit d'insomnie.Oh ! Ce n'était point un sommeil paisible,comme celui que j'espérais.Non.Ma nuit était pleine de cauchemars.
Ma pire angoisse était la fermeture du portail.Je vivais entre deux mondes et le choix n'était guère facile.J'aime mes parents mais Caspian a pris tellement de place dans mon petit coeur.Je n'avais que 16 ans quand je l'ai rencontré.En trois ans,je n'ai cessé d'espérer un signe d'attention de sa part.Mais la querelle entre le Prince et Peter n'a fait qu'accroître et j'aurais bien peur de confier à mon grand frère les sentiments que j'éprouve à l'égard du Prince.Et puis,à Narnia,je suis la VRAIE Susan.Pas la timide jeune fille du collège britannique,studieuse et appliquée.Non.Ici ,je suis la reine guerrière,celle qui excelle au tir à l'arc,celle qui dirige Narnia,une des quatre élus.J'ai eu beaucoup de chance.
Mon autre angoisse était la guerre.Ici,tout n'était plus que sang et haine.Le pays des contes de fées devenait un vrai champs de batailles où se tenaient les plus grands carnages.La Sorcière Blanche était morte mais son esprit Maléfique rôdait dans la tête de chacun d'entre nous.Nous étions prit d'envie de meurtre,de barbarie.Chaque fois que je fermais les yeux,je voyais son visage.Celui de la Mort.
A l'aurore,je ne savais plus rester enfermée à contempler les visions macabres de mes cauchemars.Je saisis mon arc et mon carquois,cadeau du Père-Noël cinq ans plus tôt.Il me fallait absolument bouger,m'entraîner.
Je restais en robe de nuit blanche en dentelle et me dirigeais vers mon petit coin secret.
J'allais m'exercer sur une cible dans les ruines de mon ancien palais.Cair Paravel resplendissait à l'aube et je pouvais m'entraîner sur une cible que j'avais tracée sur un pin.Je n'arrivais jamais à bien tirer et m'entraîner en public.Je décochais ma première flèche,la pinçais entre mes doigts,bandais mon arc...Fffiou ! Elle alla se planter au sol.Mettant cette erreur sur le compte de ma mauvaise nuit,je tentais un nouvel essai. Fffiou ! Elle atterris à nouveau dans la boue.
Cette fois,j'en étais certaine.Il y avait quelqu'un.Une personne qui m'espionnait.Et cela me perturbait fort.

-Qui est là? dis-je clairement,décochant une nouvelle flèche,en position de défense.

Pour me répondre,le silence d'abord.Puis,un homme,surgissant de la brume matinale ,les mains en l'air,plutôt peu rassuré à l'idée que je le menace de ma flèche.
Cet homme,je ne l'ai encore jamais vu.Cheveux d'or peignés avec soin,yeux bleus azurs et carrure d'athlète, il aurait fait mourir d'envie plus d'une demoiselles.Il s'avance doucement vers moi,comme s'il avait peur que ma flèche,toujours prête,ne se plante dans son coeur.
Il n'a pas tort: devant l'inconnu,je ne trépasse jamais! Mon arc reste bandé jusqu'à percer le mystère et vaincre l'ennemi. Mais que me veut-il?Ce n'est pas tout les jours qu'on rencontre une reine narnienne sur son lieu d'entraînement.Espion?Traître?J'allais tout de suite le savoir...Je lui lançai:

-Si vous attendez que relâche ma corde, il va falloir me donner un nom et des explications!

Je stoppais net.Peut-être que tout ceci était une erreur,qu'il n'avait rien contre moi.Pourtant,les guerres que j'avais traversées m'avaient bien fait comprendre que sur terre ou à Narnia, le Mal est partout.Qu'il soit un petit moustachu allemand ou une enchanteresse narcissique et cruelle, l'homme est capable du pire comme du meilleur.

J'avais appris à me méfier de tout.La faute aux guerres stupides.Je ne voyais pas toujours la bonté d'un ennemi ou le sourire d'un soldat.Pour moi,la position d'attaque m'en disait long.Ils me voulaient du mal ou non.Et seule ma flèche à la pointe d'argent pouvait me protéger.
Ma flèche...Ma tendre petite flèche offerte par le Père-Noël en personne ! Encore un dont j'avais fort douté.Il faut dire que c'est mon gros défaut.La méfiance.Sur tout et partout.

-Je suis Oswin Drake, je suis de Telmar.. je ne veux aucun mal je suis juste venus visiter cet endroit,dit-il clairement.

Il avait peur,cela se sentait.Je n'aime pas les froussards.Ces gens qui ne regarde pas la mort en face.C'est une réalité,elle nous surprend au tournant.
C'est alors que je me suis rappelée les paroles du Père-Noël:
"Tu utiliseras ton arc uniquement en cas de grand besoin.Je ne veux pas que tu luttes à la guerre.Cela ne s'acquiert pas facilement."
Et pourtant,là,elle était tout sauf en détresse.Elle n'avait pas le droit à l'erreur sans quoi cet homme mourrait pour rien.Même s'il ne lui inspirait pas confiance,elle baissa son arc et lui dit toujours aussi fermement:

-Merci pour le nom,Telmarin.Cependant,visiter Cair Paravel me semble un bien piètre argument...Pour un Telmarin.

Elle marqua une pause.

-Je vous croyais plus rusés!Mais cela dit,Cair Paravel fut magnifique autrefois.

Les hommes ne songent qu'à la violence.Ce son des brutes sans pareils pour qui la vie n'est qu'une continuité de batailles.Qu'elles soient amoureuses ou dominatrices.Toujours ,toujours ils leur faut montrer leurs atouts et imposer leur autorité.Preuve stupide d'une virilité qui ne rime pas vraiment avec maturité.
Mais les hommes ont réussi à conserver une qualité amputée des femmes: ils ne savent pas mentir.Aussi,lorsque le dénommé "Oswin" s'avança en me fixant dans les yeux,je ne pu m'empêcher de me sentir impressionnée.Je ne suis pas très grande et la distance de tir raccourcissait de plus en plus.Je m’inquiétais fortement pour ma sécurité mais encore plus,des intentions de cet homme inconnu.

-Je vous présente mes excuses,dit le personnage. Je sais ce que vous allez penser de ces excuses.Mais je ne partage pas l’avis de mon peuple et des conneries de mes ancêtres qui ont détruit ce lieu sacré aux vôtres. Je veux la paix... Peut-être que vous n' allez pas me croire car je suis un Telmarin, que je fais partie de la pire espèce car je suis né sur la terre de Telmar.

Je pris une grande bouffée d'air.Mes livres...Mes précieux livres d'autrefois dans un pays appelé "Angleterre".J'avais lu et relu ces précieux trésors qui représentaient à la fois la solution à mes soucis et le chemin du savoir aussi passionnant que le savoir lui-même.Et puis,ma culture s'élargissait énormément.Une fois,j'avais trouvé une phrase bien écrite.Et aujourd'hui,tout me revenait.

-Drake,je ne crois pas que nos origines nous définissent.Ce sont nos actes et nos choix qui font de nous ce que nous sommes.

Je déposai alors mon arc,gardant juste une flèche en main,je m'avançais avec l'intention d'en découvrir plus.

-Vois ,Telmarin.Je suis désolée d'être obligée de conserver cette flèche en main.C'est une sécurité peut-être inutile mais je suis une personne trop faible pour lâcher cette chose qui me rassure.

Je me demandais comment il était possible qu'il ne m'ait pas encore reconnue.Une archère parlant ainsi à Cair Paravel....Il n'y avait que moi pour être telle !
Devais-je lui dire mon nom ou laisser planer le doute?

C'est alors qu'il s'inclina devant moi ,posant un genou à terre.Comme s'il avait lu dans mes pensées,le guerrier Telmarin venait de me démasquer.

-Reine Susan... Pardonnez-moi. Je me suis pas rendu compte bien avant que c'était vous...

Je levais un sourcil,un peu amusée de voir le comportement de l'étranger passer d'une émotion à l'autre.Mais encore une fois,il avait la voix empreinte de respect.S'il ma voulait réellement du mal,ne m'aurait-t-il pas déjà tuée?Transpercée de son glaive?

-Pardon accordé,pour cela et pour le reste.Relevez-vous Telmarin, je ne mérite pas tant.Après tout, peut-être n'êtes vous pas mauvais...Il est parfois dur de renier sa patrie.

Je marquais une pause pour remettre ma flèche dans son carquois et reprendre mon arc où je l'avais abandonné.Petit Papa Noël aurait été fier de moi.
Je songeais à ces gens de mon monde natal.Les allemands nazis avaient fini par perdre doucement la guerre mais...Cinq années de calvaire n'effaçait en rien nos douleurs.Comment de jeunes hommes et de jeunes femmes pouvaient-ils suivre un tyran? Comment se laisser manipuler par le mal? La réponse était très simple ; l'erreur est humaine.Et comme l'humain est stupide,il accumule les erreurs.Même Edmund nous avait autrefois trahis.

-Je comprends votre position face à la guerre,Seigneur Drake.C'est plus facile de suivre une patrie que de la renier.Je ne dis pas cela à votre intention.Je songe à l'Allemagne et mon Angle...

Je stoppais net.Je tendis mon bras à Oswin Drake,ce Telmarin de l'ombre.Il ne savait pas ce qu'était l'Europe.Ni la Terre.A quoi bon?

-Paix?Peut-être viendrons-nous un jour à bout des guerres de clans,dis-je encore en désignant ma main tendue.